Air Austral doit vivre mais autrement

Rédigé le 02/05/2024
Régis Labrousse

13
- Courrier des lecteurs -

Malgré de très bons résultats de fréquentation en 2023, Air Austral (UU) n’y arrive pas. Malgré les aides de l’Europe, de l État, de la Sematra et de RUN Air , UU n’y arrive pas. Le temps est venu de se poser les bonnes questions. La dette fournisseur et sociale atteint plus de 45 millions . La hausse des coûts, les tensions géopolitiques et la déprime du fret sont les raisons les plus importantes pointées du doigt. Ensuite il faut être lucide, le modèle économique de UU n’est plus adapté depuis bien longtemps et la gouvernance pause question ! …. Les trois dirigeants du directoire, que je respecte, ont trois cultures et formations différentes, difficile de connaître leur vision… Air Austral n’est plus dans un confort qui consistait à appeler au secours la Sematra à chaque fois, lorsque que les comptes passaient dans le rouge !

Depuis la décision discutable de Mme la Présidente de Région, l’entreprise Air Austral est devenue une entreprise privée à part entière à 55 % sous le contrôle de RUN Air , constitué de chefs d’entreprises qui n’ont pas de compétence dans l’aérien ! Les privés ont pris le contrôle et Mme Bello apaisée, peut s’occuper de la reprise des travaux de la NRL ! Elle a évacué tout simplement le dossier UU …!! Le temps viendra d’analyser avec plus de justesse cette erreur en termes de stratégie et de maîtrise des emplois au sein de la plus grande entreprise réunionnaise ! Avec le retard de paiement constitué de l’entreprise (dettes fournisseurs) qui s’élève à près de 45 millions d’euros dont 13 millions d’euros de dettes publiques, il y a urgence, mais ont-ils conscience de l’urgence de la situation, espérant probablement et toujours qu’État viendra à la rescousse. (L’État a certainement un plan de sauvetage dans un tiroir à Paris qui risque de rendre chagrin Mme Bello) Dans la partie technique, il y a également urgence, en particulier sur le maintien en état de vol des trois A220, essentiels pour les vols régionaux.

Celui sans moteur qui dort sur le tarmac est voué à ne plus voler de si tôt, car attaqué par la rouille et dans l’impossibilité de recevoir d’autres moteurs à court terme, Pratt et Whitney ayant des grosses difficultés pour couvrir les besoins. Les deux autres A220 sont sous surveillance avec des contrôles spécifiques et certainement une consigne de navigabilité (CN) répétitive. À appliquer ! La moindre ingestion d’oiseaux est problématique et peut bloquer au sol l’appareil à tout moment et durablement. Air Austral n’a pas de chance dans ce domaine, mais il n’en demeure pas moins que les choix de ce type d’aéronef, non éprouvé, par l’ancienne équipe dirigeante et la Sematra, sont discutables.

Je m’arrête deux minutes pour vous proposer l’histoire de L’A220. En effet, en 2018, Airbus reprend au canadien Bombardier son programme d’avion mono couloir, à l’époque baptisé CSeries. Malgré un investissement de 5,5 milliards de dollars, l’avionneur canadien n’avait jamais réussi à menacer le duopole Airbus-Boeing sur leur entrée de gamme, son grand objectif lors du lancement de l’appareil en 2008. Plombé par les retards, les surcoûts et le manque de commandes face au A320neo et 737 MAX, Bombardier n’a eu d’autre choix que de céder 50,01% du programme à Airbus en juillet 2018 pour un DOLLAR SYMBOLIQUE, Bombardier ne conservant que 31% des parts et la province du Québec 19%. L’objectif d’Airbus était clair : transformer un appareil aux ventes poussives en véritable succès commercial. L’avionneur européen assurait avoir toutes les armes pour y parvenir. … le but d’Airbus, c’était de faire baisser les coûts de production…

En 2018 le groupe canadien s’est donc engagé à combler, pendant trois ans, les éventuels déficits de trésorerie constatés sur le programme, jusqu’à hauteur de 925 millions de dollars. La prise de contrôle par Airbus restait cependant la meilleure solution pour sauver le programme et les emplois au Canada. « Mieux vaut avoir 30% d’un succès que 100% d’un ulcère saignant », estimait à l’époque Richard Aboulafia, chez Teal Group.… » Du côté moteur, c’est Pratt et Whitney qui assure. De l’aveu même du patron de Pratt et Whitney le moteur de l’A220, le PW1500G, possède de très bonnes performances. La réduction de consommation de l’A220 en particulier est au rendez-vous, de l’ordre de 25% par rapport aux avions de la génération précédente. S’il n’y a pas de problème de fiabilité technique, il y a bien un problème de durabilité dans certains environnements exigeants…

C’est un défaut de jeunesse du moteur qu’il faut résoudre qui génère de la tension au sein des activités de maintenance du motoriste, puisque les moteurs doivent être envoyés en inspection plus fréquemment. Il y a également un problème lié à la contamination par des poudres métalliques… À chaque ingestion d’oiseaux, il faut réaliser des inspections endoscopiques (bird strike) des rotors et des aubes directrices d’admission des compresseurs basse pression (LPC). Si les inspections révèlent des fissures dans le rotor ou des aubes mal alignées, le LPC doit être remplacé.

En conclusion, je dirais que j’espère, comme beaucoup de réunionnais, que les actionnaires et le directoire, avec la bénédiction de l’État, trouveront des solutions de sortie de crise. Ce nouveau départ se fera à mon sens avec l’entrée au capital d’un autre transporteur aérien…, affaire à suivre ! On l’espère tous. Toute seule, Air Austral ne s’en sortira pas. Bon courage aux salariés méritants. Air Austral doit vivre, mais autrement !

Un Réunionnais qui garde espoir