Arnaque au CPF : Plus de 83.000 euros détournés par un gérant d’auto-école de St-Joseph

Rédigé le 04/05/2024
Prisca Bigot

Entre 2020 et 2023, Pierre* a notamment proposé, monté des dossiers et bénéficié des crédits CPF en acceptant qu'ils soient utilisés par un tiers. Une pratique illégale pour laquelle il a été condamné.

L’offre de ce gérant d’auto-école s’adressait le plus souvent à des parents, titulaires d’un CPF (Compte Personnel de Formation), ayant un enfant en âge de passer le permis. L’un d’entre eux a d’ailleurs fait le signalement. Les gendarmes de Saint-Joseph en partenariat avec les agents de la DEETS ont mené l’enquête.

Pour se faire payer l’onéreux sésame malheureusement quasi obligatoire pour se déplacer dans notre île, Pierre assurait qu’il était possible de faire profiter à une autre personne l’argent accumulé tout au long de sa vie professionnelle. Le gérant proposait dans le même temps une remise à niveau en conduite en mobilisant les droits du CPF. Une manœuvre doublement frauduleuse. Si le CPF, peut permettre de financer le permis de conduire tout autant qu’un diplôme ou un bilan de compétence, il ne permet plus depuis 2021, rappellent les magistrats du tribunal correctionnel de Saint-Pierre, d’être mobilisé pour une remise à niveau. De plus, les crédits accumulés sur un CPF ne sont aucunement cessibles.

En remplaçant le Droit Individuel à la Formation (DIF) en 2015, le CPF qui a également pour objectif le financement public de nouvelles compétences aux actifs, a rapidement été détourné. Qui n’a en effet jamais reçu d’appels, mails ou encore SMS malveillants au sujet de son CPF, rappelle Me Ludivine Bousseau, venue de Paris pour défendre les droits de la Caisse des Dépôts et Consignations, compétente pour la gestion et la sécurisation des fonds dédiés à la formation.

“Je ne me suis pas enrichi »

De nombreuses enquêtes sur les arnaques au CPF sont en effet toujours en cours dans de nombreux secteurs d’activité malgré les tours de vis réglementaires opérés pour réduire les escroqueries à grande échelle. En plus de trois ans, Pierre a lui détourné plus de 83.000 euros de fonds de l’État.

Outre le financement des permis par un tiers et les remises à niveau fallacieuses, il est reproché à Pierre la pratique commerciale trompeuse puisque le gérant n’hésitait pas à indiquer sur ses réseaux sociaux accepter les crédits CPF. Pour le procureur, l’escroquerie ne s’est pas seulement faite au détriment de l’État mais aussi au détriment du marché par « une distorsion de la concurrence » vis-à-vis des autres auto-écoles, tance-t-il.

Finalement arrivé très en retard à son procès, Pierre a continué d’affirmer que les clients avaient été informés du caractère personnel du CPF et qu’il a su tardivement que la remise à niveau n’était plus éligible. “Je ne me suis pas enrichi. La preuve, l’auto-école a fermé. J’ai même renfloué la boite avec mon argent personnel”, livre en conclusion Pierre.

Il n’a pas convaincu. Celui qui s’est reconverti dans la sécurité privée, écope de 6 mois de prison avec sursis, assortis de l’interdiction de gérer durant 5 ans. Il devra également rembourser la CDC à hauteur des sommes détournées, sans compter les frais d’avocat.

*prénom d’emprunt