Chronique judiciaire : « Ils ont shooté dans sa tête comme si c’était un ballon de foot »

Rédigé le 28/04/2024
Isabelle Serre

Le 24 décembre 2022 à Saint-Pierre, une violente agression a eu lieu entraînant un grave traumatisme pour la victime. Deux suspects ont été identifiés et arrêtés grâce à des témoignages et des caméras de surveillance. Le binôme ayant déjà des antécédents judiciaires malgré son jeune âge a été condamné à 4 ans de prison ferme en première instance et souhaite maintenant voir sa peine diminuer en appel.

Le 24 décembre 2022, à la sortie d’un établissement de nuit du centre-ville de Saint-Pierre, un déchaînement de violences entre plusieurs individus, dont certains alcoolisées et sous stupéfiants, s’est produit vers 3h du matin pour un mauvais regard lancé deux ans auparavant. Quatre hommes ont été soupçonnés d’avoir odieusement tabassé un cinquième retrouvé entre la vie et la mort alors que les autres avaient pris la fuite.

Heureusement, la victime de cette sordide agression a pu s’en sortir. Elle garde cependant à ce jour d’importantes séquelles et aurait perdu son autonomie.

Grâce aux témoignages et aux caméras de surveillance, les policiers du Sud chargés de l’enquête ont réussi à identifier plusieurs suspects. Deux d’entre eux ont été interpellés à leur domicile quelques jours plus tard alors qu’une information judiciaire avait été ouverte pour tentative d’homicide. En janvier, dernier, ils ont été condamnés à cinq ans de prison ferme, dont un avec sursis probatoire, par le tribunal correctionnel de Saint-Pierre. Mais estimant la peine bien trop lourde, tous deux ont interjeté appel.

Ce jeudi, Fouad A. et Alan G. ont comparu dans le prétoire de la rue Juliette Dodu. Les deux jeunes hommes âgés d’une vingtaine d’années, au casier déjà bien chargé, jean, T-shirt et crâne rasé, ont eu bien du mal à convaincre les juges de diminuer leur peine.

C’est un vigile, en rentrant chez lui en voiture, qui s’était retrouvé au milieu de la bagarre et était heureusement intervenu afin d’y mettre fin. « Ils shootaient dans sa tête, comme dans un ballon de football », a témoigné une personne présente sur les lieux. La victime avait eu la tête écrasée au sol. Les agresseurs avait sauté sur son corps à pied joints alors qu’il était inconscient. Il avait reçu plusieurs coups de pied à la mâchoire et dans le bas du ventre. « Ils prenaient leur élan pour le taper dans la tête et au visage », fustige la représentante de la société. Celle-ci explique que l’altercation avait commencé entre Alan G. et la victime. Cette dernière avait eu le dessus, raison pour laquelle Fouad A., qui considère l’autre prévenu comme un frère, avait fait tomber la victime au sol en lui faisant une balayette. « A partir de là, ça avait été l’horreur », détaille l’avocat de la partie civile.

Les deux mis en cause ont commencé leurs démêlés avec la justice alors qu’ils étaient mineurs. Tous deux ont commis des vols aggravés, des vols avec violence en réunion et ont reçu tous les avertissements que peut envoyer la justice face à leur comportement. Des jeunes certainement très peu pris en charge par leur famille, à l’image d’Alan G. dont l’expert-psychiatre qui l’ a examiné indique « qu’il n’accepte pas les lois morales et sociales de la société, qu’il n’a pas d’éthique et que la violence est ultra présente dans sa vie ».

Pour Fouad A., le spécialiste évoque un effet de groupe et un garçon immature rongé par la consommation d’alcool et de zamal. Lors de son examen, le jeune homme n’a montré ni regret, ni culpabilité, ni empathie. Quant à sa dangerosité criminologique l’expert ne l’exclut pas.

« Il nécessite un suivi psycho-éducatif, indique le médecin, il a besoin de soins », rebondit son avocate choquée par les réquisitions du parquet général qui a proposé à la cour de prononcer une peine de cinq ans ferme pour Fouad. « Il faut lui donner une chance et prononcer un sursis probatoire tout en minimisant la peine », plaide le conseil. Pour son compère, l’avocate générale requiert sept ans de prison ferme ainsi qu’un mois de révocation d’un précédent sursis et quatre mois d’un autre. Le parquet général se montre intransigeant puisque « aucune excuse n’a été présentée à la barre, ni aucune remise en question ».

Malgré une volonté de changement et une évolution depuis leur premier jugement rappelées par les avocats des appelants, ce ne sont pas les explications inaudibles de leurs clients qui ont permis à la cour les mesurer. Celle-ci rendra sa décision le 23 mai prochain.