Hyperviolence à Domenjod : La justice ne fait pas de quartier

Rédigé le 29/04/2024
Régis Labrousse

Le tribunal judiciaire de Saint-Denis avait à juger ce vendredi des faits de violences en milieu carcéral. Compte tenu du contexte de transfert de détenus mahorais dans les prisons réunionnaises, cette audience apparait importante. En effet, les violences en prison sont le plus souvent gérées en interne, mais ce phénomène de rivalité entre créoles et mahorais à Domenjod a mis en exergue un passage au stade de l'hyperviolence.

Ce vendredi 26 avril 2024, trois détenus de la prison de Domenjod étaient jugés pour violences avec arme en réunion dans le cadre de la comparution immédiate. La victime est un détenu créole qui a été violemment agressé dans la cour de promenade. Il a subi un déferlement de coups de poing, de coups de pied et de coups de coude alors qu’un des agresseurs a fini par se saisir d’une bouteille en verre et lui facturer la mâchoire. La victime a reçu une ITT de 30 jours. Ces faits se sont produits le 13 avril dernier à 8 heures. La scène d’une violence inouïe a été immortalisée par les caméras de surveillance de la prison de Domenjod. Les images valent souvent mieux que les longs discours, le président d’audience a donc décidé de diffuser la vidéo lors des débats. On y voit trois détenus foncer sur un autre, se positionner en arc de cercle et le rouer de coups. L’un d’entre eux finit par se saisir d’une bouteille en verre qui lui est jetée depuis le côté de la cour de promenade et s’en sert pour frapper la victime au visage.

Au total, plus d’une minute trente de déferlement de violence où la victime est tabassée alors qu’elle est au sol. Malgré cela, elle trouve la force de se relever et se réfugier à l’abri vers les surveillants. Il apparaît que ce déchainement de violence a eu lieu en réponse à une bataille rangée entre une vingtaine de créoles et une dizaine de Mahorais en décembre 2023. L’enquête indique que la victime est réputée pour ses provocations envers le clan mahorais.

À la barre, les trois prévenus au comportement nonchalant, frôlant l’insolence dans leur façon de répondre aux questions du président qui les recadre sèchement avec autorité, préfèrent s’enfoncer dans un certain mutisme. Leurs ricanements incessants ne manquent pas d’agacer un peu plus le magistrat qui constate leur manque de prise de conscience de la gravité des faits. La victime, présente en visio, ne manque pas non plus de se faire rappeler à l’ordre au regard de ses gestes de provocation envers les prévenus. « C’est une victime, mais ce n’est pas une blanche colombe« , indique la procureure lors de l’audience.

« J’ai couru direct vers lui, j’avais un problème avec lui »

Si les prévenus reconnaissent les violences, ils dénoncent en revanche une quelconque préméditation. « J’ai couru direct vers lui, j’avais un problème avec lui. J’y suis allé pour moi et eux pour eux« , explique le premier à avoir porté des coups à la victime. Pour autant, cela ne les a pas empêchés de se glorifier de leurs actes en inscrivant ensuite un « 976 » au produit détergent à même le sol suite à l’agression. Là où le bât blesse, c’est au niveau du riche casier des prévenus qui ont tous les trois à peine 20 ans. Déjà de nombreuses mentions y figurent. L’un d’entre eux purge une peine de 12 ans pour des faits de violence en réunion avec acte de torture et de barbarie. Le second, qui devait sortir au mois d’août, est celui qui a frappé la victime à coup de bouteille en verre. Le troisième est en détention provisoire pour tentative de meurtre.

« J’ai voulu me faire justice moi-même« , cite furieuse la procureure, qui ajoute : « Comme si le respect s’obtenait par les poings« . « L’univers carcéral est violent, mais là, nous passons au stade de l’hyperviolence, ce qui justifie cette audience« , tance le parquet qui requiert des peines de 3 et 4 ans de prison avec mandat de dépôt pour les trois prévenus. Du côté de la défense, « on ne peut pas juger ces faits sans les contextualiser. Il y a un conflit sociétal qui l’on ressent encore plus en prison avec des violences entre clans mahorais et créole. Il faudrait des mesures politiques et administratives fortes, car la situation tend à s’aggraver en détention », plaident les robes noires qui notent au passage que la victime est décrite comme « une grande gueule qui nargue le clan des mahorais« , ajoutant que ceux-ci, « doivent adapter leur mode de fonctionnement qui ne correspondent pas aux codes d’ici« .

Après une audience agitée, mais particulièrement bien tenue par le président, le tribunal a condamné les trois prévenus à la peine de 3 ans de prison avec mandat de dépôt.