Agression sexuelle incestueuse : Comment en apporter la preuve 20 ans après ?

Rédigé le 16/06/2024
Isabelle Serre

8
Accusé d’agression sexuelle sur sa nièce il y a vingt ans, un oncle fait face à la cour d'appel après une relaxe controversée à St-Pierre. Entre souvenirs douloureux et absence de preuves matérielles, la quête de vérité confronte la justice à un défi. La décision attendue le 26 septembre pourra-t-elle apporter une réponse à ce drame familial présumé ?

« La question n’est pas de savoir si madame est une menteuse, mais plutôt si la cour dispose d’une preuve pour condamner monsieur », interroge Me Gabriel Odier. La robe noire défend un oncle accusé d’agression sexuelle sur sa nièce alors que cette dernière avait entre 8 et 11 ans. L’affaire est examinée par la cour d’appel ce jeudi alors que le tribunal judiciaire de St-Pierre a relaxé le prévenu le 22 août 2023.

En novembre 2020, Julie* a porté plainte pour agression sexuelle par son oncle maternel. Elle explique qu’elle était très proche de celui-ci ainsi que de sa tante et qu’elle considérait le couple comme ses parents. Régulièrement, lorsqu’elle était enfant, elle se rendait chez eux et y passait la nuit. Il n’y avait pas forcément beaucoup de place dans la maison et la fillette était souvent accueillie dans leur lit. C’est là que l’oncle lui aurait infligé un cunnilingus et différentes caresses sur le sexe. Un jour, alors qu’elle se trouvait devant son ordinateur, il serait venu la trouver et lui aurait demandé si elle était en train de regarder des films pornographiques. Il lui aurait alors infligé un autre cunnilingus. Des faits qui se seraient produits à huis clos alors que la tante indique qu’elle était toujours présente lorsque la nièce venait leur rendre visite.

Ce jeudi, la jeune femme désormais âgée de 29 ans a été longuement interrogée par son avocate face à une cour d’appel débordée et visiblement exaspérée par la longueur des débats. Des longueurs certes, toutefois compréhensibles de la part des avocats puisque chacun a tenté de prouver par différents moyens que son client avait dit la vérité. Et c’est bien toute la difficulté dans ce genre d’affaire que d’apporter des preuves tangibles qui permettraient aux magistrats de se prononcer sans se tromper.

En première instance, les juges ont fait valoir que l’enquête n’avait pas été assez poussée et qu’à défaut d’éléments concordants, ils avaient décidé de relaxer le mis en cause âgé de 56 ans. À la barre de la rue Juliette Dodu, c’est un oncle apeuré qui a fait face à la cour. Les réponses du prévenu, inconnu de la justice, à des questions pourtant simples –  « votre nièce est-elle la marraine d’un de vos fils ? » – ne se sont pas révélées très claires.

Du côté de la victime présumée, un écroulement en classe de sixième et le début de difficultés d’ordre comportemental, violences et attitudes ingérables, sans que personne ne comprenne pourquoi sont rapportées tout comme un arrêt brutal des visites chez l’oncle que personne n’a pu expliquer. « J’ai été brisée dans mon enfance. J’ai une colère constante qui est là. Je suis angoissée en permanence », a confié la plaignante au cours de son expertise psychologique qui relève un discours qui n’a jamais varié.

Mais du côté de la défense, cet argument est balayé : « mon client a également été constant dans ses dénégations », lance Me Gabriel Odier. Pour le parquet général, « l’adolescence perturbée est l’archétype de l’enfance abusée ». La représentante de la société propose à la cour de prononcer la même peine qui avait été requise en première instance soit un an de prison avec sursis. « Ici, on a fait de la thérapie familiale, de la psychologie, mais ce n’est pas le rôle d’un tribunal », conclut la défense qui met l’accent sur des incohérences de dates, de lieux et de récit.

La cour devra démêler cet écheveau avant de rendre sa décision le 26 septembre prochain.