Chronique judiciaire : Les différents profils des prédateurs de mineurs

Rédigé le 16/06/2024
Gaetan Dumuids

2
Lors de l'audience du tribunal correctionnel de Saint-Pierre de jeudi dernier, plusieurs audiences concernaient des faits d'agressions sexuelles sur mineurs. Si les intentions des prévenus étaient les mêmes, ce sont les différents types de profils et de contexte qui interpellent, démontrant malheureusement que le danger peut venir de partout.

Si malheureusement, les procès pour agression sexuelle sur mineur ne sont pas rares au tribunal de Saint-Pierre, rarement une journée d’audience n’aura compté autant de procès, dont certains ont même été renvoyés. Une expérience éprouvante pour les victimes qui, en plus de leur propre histoire, revivaient leurs souffrances au travers des témoignages des autres.

La tristement classique agression du ti-père et ses conséquences

La première affaire traitée par les magistrats incarnait le révoltant schéma classique des agressions au sein de la famille. Camille*, alors au collège, va révéler au personnel éducatif qu’elle est victime d’attouchement de son beau-père depuis qu’elle est en CM2. Des révélations qui vont enclencher la machine judiciaire. Comme c’est généralement le cas, cette dénonciation a valu à la victime d’être exclue de la famille. Celle-ci vit à présent chez sa grand-mère maternelle.

Face aux juges, Jean va nier tout en bloc, affirmant ne pas comprendre pourquoi elle l’accuse de tels faits. Il va même jurer qu’en 14 ans de vie commune, il ne s’est jamais retrouvé seul dans une pièce avec elle. Pour l’ensemble de la famille, Camille est une menteuse, et même sa mère, venue à l’audience, a pris parti pour son mari.

Pourtant, toutes les expertises psychiatriques corroborent chez Camille l’état psychologique d’une victime d’agression sexuelle, tandis que les témoignages des professeurs et amis confirment qu’un changement de comportement de la jeune fille s’est produit en CM2. La jeune fille se scarifiait et a fait une tentative de suicide quelques mois avant la révélation des faits. « Soit fallait que j’en parle, soit il fallait que je réussisse ma tentative de suicide », explique-t-elle.

Le ti-père est finalement condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis, se voit retirer l’exercice de l’autorité parentale et doit verser 5000 euros de dédommagements à l’adolescente. Son nom est désormais inscrit au Fijais (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes).

Il demande à l’adolescente de se tatouer son nom

Si la famille peut malheureusement s’avérer parfois être un piège pour les victimes, internet et les réseaux sociaux le sont davantage. Linda*, 15 ans, est une jeune fille à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Placée en foyer et sous traitement lourd, la jeune fille reçoit un message sur les réseaux sociaux d’un homme qui l’invite à faire la fête.

Gérard va prétendre qu’il s’appelle Giovanni et qu’il a 40 ans au lieu de 60. Il va nouer une relation avec l’adolescente en lui faisant des cadeaux contre des rapports sexuels, n’hésitant à la faire boire pour cela.

Face aux juges, il nie la corruption de mineur puisqu’il affirme qu’il pensait qu’elle avait 20 ans. De son côté, la victime affirme lui avoir donné son âge dès le premier rendez-vous. Évidemment, le fait qu’il ait continué à avoir des contacts avec elle alors que les gendarmes l’avaient déjà prévenu l’accable. Surtout, quelques jours après l’avertissement des forces de l’ordre, il a amené Linda chez un tatoueur pour qu’elle se fasse inscrire son nom à lui sur la peau.

Il a été condamné à deux ans de prison, dont un an avec sursis. Il doit verser 1500 euros pour faire effacer le tatouage et 3000 euros pour le préjudice moral, et son nom est désormais inscrit au Fijais.

Le commerçant un peu trop tactile

Ce sont deux affaires différentes qui ont été jointes dans le procès d’Hachim. Ce dernier opérait dans les commerces appartenant à ses proches. La première plainte concerne des attouchements reprochés par une jeune femme de 20 ans qui était en alternance dans un magasin de vêtements. L’autre plainte, plus ancienne, provient de deux stagiaires d’un restaurant qui affirment également avoir été victime des mains baladeuses du prévenu.

Ni le prévenu, ni les victimes n’étaient présentes à l’audience. Les témoignages des témoins, essentiellement de la famille du prévenu, réfutent les accusations. Néanmoins, les 10 condamnations sur son casier judiciaire, dont plusieurs pour violences conjugales, n’aident pas à donner l’image de l’enfant de cœur dépeinte par ses proches.

« On a une multiplicité des victimes. Ce n’est pas la même temporalité, mais à chaque fois, il s’agit de stagiaires ou d’alternants, donc des personnes fragiles ou soumises », souligne la procureure qui requiert une peine de deux ans de prison ferme. Le jugement a été mis en délibéré.

*Prénoms d’emprunt